Nous avons évoqué la semaine dernière la réunion de Leaken ou les Etats ont convoqué la Convention et lui ont donné comme mandat de rédiger une Constitution pour une Europe
plus démocratique
plus transparente
et plus efficace
Nous avons examiné les innovations de la Constituant répondant à cette demande de plus de transparence et de plus d'efficacité
Aujourd’hui je souhaite poser la question: Y-a-t-il des dispositions nouvelle dans le projet de constitution que rendent l'Europe plus démocratique ?
Tout d'abord un petit regard en arrière.
On a beaucoup reproché à l’Europe de se faire hors la vue des citoyens, par des décisions de chefs d’Etats et de structures technocratiques. Cette critique est largement fondée et il est utile de regarder de plus prés le mouvement de démocratisation dans lequel l’Europe est engagé.
A l’origine les gouvernements ont cherché les moyens pragmatiques de rapprocher les pays : mise en commun du charbon et de l’acier au lendemain de la guerre, puis marché commun, puis monnaie unique etc…Jacques Delors l’explique dans ses mémoire : sa première démarche en arrivant à Bruxelles a été de faire le tours des capitales de l’Europe d'alors pour chercher ce qu’il était possible de faire en commun entre les états. La règle était le pragmatisme : faire ce qu’il était possible de faire pour rapprocher les européens. Les chefs d’états décidaient en utilisant l’outil constitué par la commission européenne et l’Europe se construisait sans consultation des citoyens.
Progressivement :
- création d’une assemblée parlementaire de contrôle de la CECA en 1951
- institution du Parlement en 1957
- élection au suffrage universel, en 1992
- institution de la co-décision en 1992
Une tendance lourde s’est dessinée: l’évolution vers un équilibre des pouvoirs qui devient plus favorable au Parlement et le soucis de rapprocher l’Europe des citoyens..
Avec la nouvelle constitution des progrès sont réalisés :
1 - Les institutions sont bâties sur le principe de la double légitimité des citoyens et des Etats. C’est le 1er article de la constitution : « inspirée par la volonté des citoyens et des Etats d’Europe de bâtir un avenir commun, la présente Constitution établit l’Union Européenne… ». C'est-à-dire que l’on n’est plus dans une logique intergouvernementale comme aux débuts de l4europe mais dans celle d’une double légitimité des citoyens et de Etats
2 - Une convention a été réunie pour élaborer la constitution et est prévue pour ses révisions: La constitution n'a pas été élaborée par une assemblée élue mais elle n'a pas non plus été le résultat d'une conférence intergouvernementale comme les précédents traité. La Convention était constituée de représentants des états, de parlementaires européens et nationaux et de la Commission.
D’autre part l’élaboration de la Constitution adonné lieu à un débat public important : des milliers de contributions ont été déposées. C'est un progrès important. Et pour les révisions, la convocation d'une convention est aussi prévue.
3 - La définition des valeurs et des objectifs de l’Union lui donnent plus de sens et facilitent l’appropriation de l’Europe par les citoyens. Rappelons que
- l'article 1-2 sur les valeurs de l'Union caractérise la société par , je site: "le pluralisme, la non-discrimination, la tolérance, la justice, la solidarité, et l'égalité homme-femme"
- l'article 1-3 sur les objectifs de l'Union je site: " l'Union offre à ses citoyens un espace de liberté, de sécurité et de justice sans frontières intérieures, et un marché intérieur où la concurrence est libre et non faussée"
- je site également "L'Union oeuvre pour le développement durable de l'Europe fondé sur une croissance économique équilibrée et sur la stabilité des prix, une économie sociale de marché hautement compétitive, qui tend au plein emploi et au progrés social et un haut niveau de protection et d'amélioration de l'environnement"
- je site encore "Elle (l'Union) combat l'exclusion sociale et les discriminations et promeut la justice et la protection sociale, l'égalité entre les hommes et les femmes"
La définition des valeur et des objectifs de l'Union a le mérite de définir un cadre clairement lisible pour les citoyens et que le législateur devra respecter dans les lois à venir. Il ne fait par référence qu'au marché mais comprend notamment l'emploi, la protection sociale, l'environnement. Je fait ici une parenthèse sur l'expression "un marché intérieur où la concurrence est libre et non faussée" L'expression fait partie des traités européens depuis leur origine (traité de Rome ???). L'Europe fonctionne sur le principe d'une économie de marché, ce qui n'est pas nouveau
4 -Les pouvoirs du Parlement sont renforcés
Les lois et les loi-cadre sont adoptées conjointement par le parlement et le Conseil qui sont placés sur un pied d'égalité. C'est une confirmation du principe de co-décision qui est par ailleurs étendu de 70 % auparavant à 90 % des actes législatifs.??? ou des décisions prises par le Conseil à la majorité qualifiée?? Rappelons que l'usage de la co-décision s'est révélé important dans le passé par exemple :
- sur les politiques environnementales
- pour empêcher des privatisations dans les services portuaires ou postaux
- dans la législation sociale sur le droit de l’information et la consultation des travailleurs ou la création de Comités d’Entreprises européens
Le Parlement élit le Président de la Commission sur proposition du Conseil qui tiens compte du résultat de élections : dans la pratique les électeurs connaîtront lors des campagnes électorales les candidats des partis européens à la présidence de la Commission, ce qui sera un facteur de lisibilité et d'amélioration du fonctionnement démocratique
Le Parlement a un rôle renforcé, qui devient équivalent à celui du Conseil, en matière de contrôle de l'action de la commission
5 Un droit de pétition est institué : 1 million de citoyens ressortissants « d'un nombre significatif de pays » (sans plus de précisions) pourront « inviter » la Commission à faire une proposition sur un sujet objet de la pétition. Une loi européenne en arrêtera les disposions.
Le résultat n’en sera pas automatique , loin de là, (mais comment le serai-t-il puisque il y a 450 millions d’européens et que 1 million de voix, ce n’est qu’un petite minorité) mais ce sera un moyen d’action politique important :
- une question soulevée par un nombre important de pétitionnaires et dans de nombreux pays ne pourra pas être ignorée politiquement par le Parlement et la Commission
- le droit de pétition amènera les citoyens à construire des revendications à l'échelle de l'Europe et à renforcer une citoyenneté européenne
Au toutal il est clair que la Constitution renforce la démocratie
Je souhaite terminer cette émission en traitant des règles de révision de la constitution.
Il a en effet été dit que les difficultés à réviser la constitution avaient une conséquence anti-démocratique. Puisque la constitution est difficile à réviser, les politiques qui y sont définies sont figées pour longtemps, ce qui revient à priver les citoyens de leur droit démocratiques à orienter par leur vote les politiques de l'Union.
Précisons tout de même que la constitution constitue un cadre dans lequel subsiste une marge de manoeuvre pour des actes législatifs pris conjointement par le Conseil et le Parlement et que le Président de la commission est élus sur la base des résultats des élections. Le poids des élections est très important.
Mais revenons aux modalités de révisions. Qu'est-ce qui change avec la Constitution?
Aujourd'hui le cadre constitué par les différents traités internationaux ne peut être modifié que par un nouveau traité international. Ce qui implique l'accord unanime des 25 chefs d'états de l'Union et 25 ratifications.
Avec la Constitution, qui est aussi un traité international, le principe est inchangé: unanimité, 25 ratifications. On peut le regretter, étant donné le nombre accru de pays membres, ce qui rend l'accord plus difficile mais sur ce point la situation est inchangée.
La nouvelle Constitution crée tout de même des possibilités nouvelles :
· la première rend la révision plus démocratique: en effet le processus de révision prévoit la convocation d'une Convention comprenant des parlementaires européens et nationaux et des représentants des chefs d'Etats et de gouvernements et de la Commission. Il y a une procédure allégée sans convocation de Convention, lorsque l'ampleur de modifications ne le justifie pas.
· L'initiative des révision peut venir des Etats, de la Commission mais également du Parlement. Ce point est important. Le Parlement européen, lorsqu’il a été saisi du projet de Constitution, l’approuvé et a déclaré que sitôt son adoption il utiliserait sont droit d’initiative parlementaire pour provoquer une révision. C'est-à-dire que les parlementaires entendent faire vivre ce texte et le faire évoluer.
* deuxièmement des procédures de révision simplifiée sont prévues (Clauses passerelles)
- le Conseil peut, à l'unanimité, décider de faire passer des décisions du Conseil qui Etaient prévue de prendre à l'unanimité, à la règle de la majorité qualifiée.
- le Conseil peut décider que des lois ou loi-cadre qu'il était prévu de prendre en co-décision suivant une procédure législative spéciale, seront désormais adoptées suivant une procédure ordinaire.
* enfin, une clause de flexibilité fait que l'Europe peut agir même si des pouvoirs d'action explicites ne sont pas prévus, pour atteindre les objectifs de l’Union et dans le cadre des politiques de l'Union. Il s'agit d'une mesure exceptionnelle, prise par le Conseil à l'unanimité et déjà présente avant la Constitution, qui permet de faire face à des situations imprévues sans passer par une révision de la Constitution et qui permet à l'Europe d'avoir une dynamique propre dans la mise en oeuvre des politiques.
Tout cela est un peut technique et je m'en excuse. Mais cela montre que le texte n'est pas aussi figé que l'on pourrait le penser.
En tout état de cause, la révision de la Constitution ne sera pas plus compliquée que celle des traités existants mais au contraire plus souple.
La constitution sera un texte amendable et vivant, qui sera un cadre aux actes législatifs de l’union et que les citoyens pourront investir notamment en élisant le Parlement et dans le cadre de la démocratie participative dont nous parlerons la semaine prochaine.
C'est la fin de la deuxième émission;
La semaine prochaine, nous parlerons d'Europe sociale.