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Dans la nuit du 7 mai 2010 les dirigeants européens ont dû prendre des mesures de grande ampleur pour sauver l’euro.
Depuis 3 mois la crise couvait : la Grèce avec un déficit de près de 14% de son PIB ne parvenait plus à emprunter sur les marchés financiers. La question se posait aux autres membres de la zone euro de la solidarité ou de l’abandon de la Grèce à son sort. Soit les pays européens prêtaient à la Grèce, soit ils la laissaient se faire assister par le FMI et en accepter la discipline. Les atermoiements des Européens ont aggravé la crise : les marchés ont envisagé le défaut de paiement de la Grèce, et peut-être d’autres pays de l’euro. La crédibilité de l’Euro était engagée. Il perdait de sa valeur.
La solidarité s’est imposée : la décision a été prise de créer, avec l’aide du FMI, un fonds de stabilisation massif de 750 milliards d’euros, à la disposition des Etats qui se trouveraient devant des difficultés de financement.
Ce qui était connu depuis longtemps est devenu une évidence : une monnaie commune ne peut se concevoir sans gestion économique commune et sans solidarité entre les Etats. L’euro a protégé efficacement les Etats membres pendant la crise bancaire et financière de 2008-2009. Il a évité les attaques contre des monnaies nationales et les dévaluations. Mais à l’ombre de l’euro certains pays ont pu profiter des bas taux d’intérêts pour pratiquer le laxisme budgétaire et pour s’endetter exagérément. La crise et les plans de relance ont amplifié les déséquilibres. Après avoir affronté l’excès de dette privée en 2008 lors de la crise bancaire, l’Europe est confrontée à ses dettes publiques et à la nécessité d’assainir ses finances.
Cette crise peut être salutaire en amenant les Etats de la zone euro à coordonner leurs politiques économiques et à mettre en place une forme de gouvernement économique de l’Union européenne. Mais les conceptions de la zone euro sont diverses entre les pays. L’Allemagne, notamment, rejette une conception fédérale de l’Europe avec un budget européen qui permette des transferts financiers entre les Etats. Elle préfère une Union où chacun gère un budget en équilibre en veillant à sa propre compétitivité.
La crise de l’euro révèle des problèmes profonds : les pays européens sont endettés, frappés par le chômage de masse, le vieillissement, le retard technologique. Face aux taux de croissance de 12 % de la Chine ou de 3.5% des Etats-Unis, l’Europe parait condamnée à une croissance molle. Pour éviter à l’avenir d’être marginalisée, l’Europe doit agir collectivement en investissant dans l’avenir.
La crise de l’euro révèle aussi le déficit de leadership de l’Union. Les dirigeants européens : José-Manuel Barroso, président de la Commission, Herman van Rompuy, président du Conseil européen, Jean-Claude Juncker, président de l’Eurogroupe ont été impuissants à imposer des solutions. Les acteurs déterminants ont été Angela Merkel et Nicolas Sarkozy. La gestion intergouvernementale de la crise a été choisie avec pour conséquence, trois mois d’hésitations. Pire : devant l’aggravation de la situation et les risques de propagation au-delà de l’Europe, les Etats-Unis ont dû s’impliquer. Barak Obama a téléphoné personnellement à Nicolas Sarkozy et à plusieurs reprises à Angela Merkel pour lui faire accepter le plan de soutien à l’euro.
Jean-Claude Trichet estimait que le recours au FMI serait une « humiliation » pour l’Europe. Non seulement nous avons accepté l’aide du FMI mais nous avons eu besoin d’une intervention américaine pour résoudre nos différends. L’Europe de l’euro reste à construire.