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Lors d’une conférence récente à Prague les partis Pirates de différents pays d’Europe ont décidé de se regrouper « sous un drapeau commun » pour les élections européennes de 2014. Leur objectif est d’augmenter le nombre de leurs députés européens. Il y a actuellement au Parlement deux députés Pirates, suédois.
Les partis Pirates constituent une minorité active en dehors de tout clivage gauche-droite. Ils entendent défendre les droits et les libertés fondamentales, face aux risques notamment informatiques. Leurs batailles actuelles portent sur l’accord international sur la copie ACTA et sur directive européenne sur la conservation des données.
ACTA est un accord international en cours de négociation qui vise la lutte contre la contrefaçon, la protection de la propriété intellectuelle, des brevets, des droits d’auteurs. Il comporte des risques. Il exige la collaboration des fournisseurs d’accès internet pour surveiller le réseau. Il menace le logiciel libre. Il impose des mesures qui risquent de bloquer le commerce et donc l’usage des médicaments génériques. L’Union européenne participe aux négociations. La Commission a négocié mais, depuis le traité de Lisbonne, le Parlement européen doit approuver tout accord international. Le rapporteur du texte au Parlement a recommandé de rejeter le texte au motif des menaces qu’il contient aux libertés individuelles et d’internet. Les manifestations contre ACTA se multiplient en Europe.
Une autre bataille est celle de la protection des données personnelles sur internet. La réglementation européenne en la matière est beaucoup plus stricte que celle de la plupart des autres pays. La commission propose une refonte des réglementations incluant notamment un « droit à l’oubli » numérique et une « portabilité des données » lorsque l’on change de fournisseur d’accès. Les consultations sont en cours. La CNIL, Commission nationale informatique et liberté, s’est inquiété de la précipitation de la Commission, de la conception anglo-saxonne qui préside à ses travaux et de la faible place qu’elle accorde au D29, c'est-à-dire au groupe des CNIL européennes.
Les risques sur les libertés individuelles et publiques liés aux nouvelles technologies sont de plus en plus nombreux : utilisation des vidéosurveillances, de la géolocalisation des véhicules, des dispositifs biométriques.
Au-delà, une révolution se prépare avec l’internet des objets. Les dispositifs d’identification des objets par radiofréquences se généralisent : passe Navigo, clés de voitures, étiquettes intelligentes sur les produits de grande distribution. Ils utilisent des puces dites RFID. Elles permettent la traçabilité des objets, ce qui peut conduite à une traçabilité des individus. D’autre part les puces permettront des liens directs entre les objets via internet, c’est l’ « Internet des objets ». Qui contrôlera ce nouvel internet ? Comme actuellement pour internet, c’est une société sous contrat du Département d’Etats américain qui est en train de mettre en place la technologie qui permettra la connexion entre objets via internet.
Les Européens réfléchissent aux dangers de ces technologies. Ils ont convenus entre eux de respecter de deux grands principes : que les puces puissent être désactivées par les citoyens : une sorte de droit au « silence des puces » et que la gouvernance de l’internet des objets soit distribuée et non centralisée.
Ils ont aussi à défendre le principe de neutralité d’internet. Actuellement toutes les informations sont acheminées sur le réseau avec la même priorité. La tentation est grande pour les fournisseurs d’accès et pour fournisseurs de contenus, de différencier les services et de faire payer pour des acheminements de données plus rapidement ou en priorité. Ce serait la remise en cause d’un réseau libre d’accès à tous.
Les Pirates sont des précurseurs. Les enjeux de la marchandisation d’internet sont considérables. Toutes les forces politiques devraient s’en saisir et les Européens devront s’unir pour les maitriser.